Vincent Fernandel fait revivre l’œuvre musicale de son père Franck Fernandel avec "C’est toi ma dolce vita"

De ses origines méridionales, Vincent Fernandel a conservé une pointe d’accent à l’ail et une faconde bienveillante. Metteur en scène, photographe, comédien, professeur de théâtre, écrivain et conteur, le petit-fils de l’inoubliable Don Camillo est devenu producteur de musique pour ressusciter l’œuvre de son père, Franck Fernandel. Il vient de sortir C’est toi ma dolce vita (1), un album de 23 titres remastérisés qui rend enfin justice au crooner disparu en 2011.
Cet album n’est ni la réédition d’un 33-Tours, ni une compilation?
En effet. C’est un album original regroupant des titres sortis entre 1971 et 1979, jamais réédités depuis. Encouragé par Arnaud Dumont Lhotelain, p.-d.g. de Musiques & Solutions, j’ai passé quatre ans à centraliser les droits, à retrouver les masters puis à les restaurer. Le résultat est magnifique! On croirait que les chansons ont été enregistrées hier.
Pourquoi n’avoir sélectionné que des titres des années soixante-dix?
Parce que c’est l’âge d’or de la variété française. À cette époque, chaque chanson bénéficiait d’arrangements soignés, avec de véritables musiciens qui jouaient en prise directe! Il n’y avait pas de bidouillage numérique; si tu ne savais pas chanter, tu ne pouvais pas chanter. Contrairement aux enregistrements des années quatre-vingt, qui "datent" un peu, ceux de la décennie précédente ont un charme suranné qui les rend intemporels.
Les auditeurs découvriront notamment la version originale de L’Amour interdit, produite en 1975, sept ans avant le tube de 1982…
Oui. L’Amour interdit a été le plus grand succès de mon père à l’aube des années quatre-vingt: il en a vendu 500.000 exemplaires. Cette version, portée par vingt-cinq violons, est plus mélancolique, plus lumineuse. Beaucoup de gens la jugent meilleure que celle qui reste dans les mémoires. C’est probablement sa chanson la plus sérieuse, sur un thème qui demeure évidemment d’actualité.
Qui est le plus fier de cet album: le fils de Franck ou le producteur que vous êtes devenu?
Les deux, mais pas pour les mêmes raisons [Il sourit]. Du point de vue filial, il y a longtemps que je voulais remettre en lumière le travail de mon père. Je lui dois mon socle culturel. Permettre à cet album d’exister m’a permis de renouer ce lien. Du point de vue du producteur, on m’a interrogé: tout cela est-il rentable? Je réponds que tant qu’un produit culturel n’existe pas, on ne peut pas savoir s’il va susciter ou non un intérêt. Ma conviction, forgée par mes rencontres avec le public, c’est que cette culture-là – qui est invisibilisée, pour ne pas dire effacée par les médias audiovisuels – séduit encore énormément de gens. Je crois aussi que la qualité est un gage de réussite sur le long terme. Comme le disait Paul Morand: "Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui".
On ne vous interroge jamais sans faire référence à vos ascendants. Ce n’est pas lourd à porter?[Il sourit] Être le fils et le petit-fils de grands artistes qui ont été aimés, ce n’est pas une croix, au contraire! Je suis fier de porter le même nom de scène que mon père et mon grand-père et je m’astreins à ne pas le galvauder. J’ai refusé certaines propositions, comme La Ferme célébrités sur TF1, parce que je trouvais le concept dégradant: les producteurs voulaient juste mettre un "Fernandel" dans leur programme pour faire le buzz. [Il sourit] Pas le genre de la maison!
Votre père était-il aussi serein que vous? Être le fils d’une immense star, vivre dans son ombre, n’est pas forcément facile…En France, on aime bien trouver ou inventer des traumatismes aux enfants d’artistes célèbres. Mais en ce qui concerne Franck, c’est de la foutaise! Je le dis en toute sincérité: il n’a jamais souffert de la notoriété de mon grand-père. D’abord, parce qu’il n’était pas "le fils de Fernandel", mais le fils de Fernand Contandin. Ce qui l’a fait souffrir, c’est le décès de son père, en 1971, à 67 ans, à un moment où il commençait à moins tourner. Franck espérait pouvoir profiter davantage de son papa et puis… [Il soupire] Mon père a également été affecté par des deuils tragiques, comme la disparition de sa nièce au début des années quatre-vingt. Tout cela l’a profondément marqué. Mais ce qui a été raconté à son propos, "l’homme écrasé par l’ombre du géant", ce sont des bêtises écrites par des gens qui ne le connaissaient pas.
Qui était Franck Fernandel?Un homme extrêmement gentil, très secret, assez paradoxal. Il vivait dans son monde artistique intérieur. Comme il était insomniaque, il se levait à 3 heures du matin et se mettait à travailler sur ses chansons. Il adorait son métier, mais il n’avait pas d’ego et n’était pas carriériste. Il a pris ses succès avec plaisir et ses revers de fortune avec philosophie. À la fin des années quatre-vingt, il a refusé un contrat de trois ans au Canada pour ne pas chambouler sa famille. C’était un type bien!
1. Disponible sur toutes les plateformes (Spotify, Amazon, Deezer…).
Var-Matin